Lesaffre : le job grading, un outil déterminant pour le C&B
Lors de cet échange, Morgane Fino est revenue sur :
- Le fonctionnement du groupe
- L'importance du job grading
- Les phases de mise en place
- Les objectifs à court, moyen et long terme
Morgane Fino
Directrice Compensation & Benefits chez Lesaffre
Les qualités requises pour être C&B chez Lesaffre sont la force de conviction, porter les valeurs, porter le sens et la pédagogie, pour pouvoir montrer la valeur ajoutée du projet.
L’addition, Kézako ? 🙄
Un format d’interview au cours duquel Epsor part à la rencontre des Compensation & Benefits (C&B) les plus influent(e)s dans leur domaine afin de comprendre leur métier, en savoir plus sur leur vision de la rémunération et des avantages sociaux, mais également connaître leurs bonnes pratiques en la matière.
À travers ces interviews, nous nous intéresserons à la spécificité de chaque C&B, parce que leur métier ne se limite pas seulement à l’addition RH + Finance… Ils/Elles ont chacun(e) leur ingrédient secret pour ravir les collaborateurs de leur entreprise et contribuer à la marque employeur !
Pour ce quinzième rendez-vous, Epsor a rencontré Morgane Fino. Forte d'une expérience de plus de quinze ans en mobilité internationale, rémunération et avantages sociaux, Morgane est passée par Plastic Omnium, les parfums Christian Dior et a intégré Lesaffre en 2016.
👉 Voir le replay du webinar !
Pouvez-vous vous présenter et nous en dire un peu plus sur votre parcours chez Lesaffre ?
J'ai débuté ma carrière en 2005 sur un poste de mobilité internationale, puis j'ai étendu mon périmètre aux activités de Comp&Ben. J'ai ensuite eu des expériences dans différents domaines d'activité : l'automobile, le luxe, en passant par la distribution et aujourd'hui l'industrie agroalimentaire. Je suis chez Lesaffre depuis six ans. J’ai en charge la partie rémunération et avantages sociaux et j’anime une équipe de deux personnes.
Pouvez-vous présenter le groupe Lesaffre ?
Le groupe Lesaffre est basé à Marcq-en-Barœul, dans le nord de la France. Notre activité se fait principalement en B2B, donc la marque n’est pas très connue du grand public. L'histoire de Lesaffre commence en 1853, date à laquelle Pasteur était sur le point de publier les résultats de ses recherches sur la fermentation. Lesaffre et Bonduelle s'associent à cette époque-là pour créer une fabrique d'alcool. 20 ans plus tard, ils évoluent et ils décident d'investir dans la levure.
Lesaffre est aujourd'hui une société française multinationale et familiale. Notre cœur d'activité est d'explorer et révéler le potentiel de la levure et des micro-organismes. Nous avons deux activités : la levure pour la panification et la santé. Il y a trois pôles au niveau de la santé ; la santé humaine, animale et par les plantes.
Le groupe Lesaffre représente 2,2 milliards de chiffre d'affaires, 11 000 collaborateurs de 96 nationalités, sur cinq continents. En France, Lesaffre compte 2300 collaborateurs. Notre raison d'être est « Entreprendre ensemble pour mieux nourrir et protéger la planète ». L'objectif en 2050 est de pouvoir contribuer à ce que 9 milliards d'individus sur la planète puissent être nourris au plus juste des ressources de la planète.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le jobgrading chez Lesaffre ?
Il s’agit d’un dispositif de classification à vocation internationale, afin d'établir des corrélations, des niveaux de comparaison entre les postes. Nous travaillons sur sept régions de planification et neuf business units.
Nous sommes implantés dans 55 pays où nous avons des usines, des sites de production, et 185 pays en présence commerciale. Pour pouvoir obtenir les données de rémunération, les positionnements de marché et faciliter la mobilité internationale, nous étions un peu démunis. En 2017, nous avons donc initié un projet de cartographie internationale des postes par un pays volontaire : la Chine. Nous avons pu mettre en place cette comparaison via l'outil du job grading.
Par le passé, chaque pays avait un job grading ou personne n'en avait ?
Les deux : il y avait du job grading dans certains pays, d'autres n'avaient pas eu la possibilité de le mettre en place et disposaient chacun de prestataires différents. Quand nous voulions comparer, même s'il peut y avoir des tables de corrélation, ce n'était pas forcément évident. Nous n’avions pas le même discours au sein de la communauté RH.
Chez Lesaffre, le mot clé du projet était la « collaboration ». Nous avions envie qu'au sein de la communauté RH, il puisse y avoir un transfert de compétences et que l'expertise passe du groupe aux régions et des régions aux pays. Il nous fallait donc une méthodologie qui soit adaptée, qui puisse être prise en main en local, sur laquelle nous pouvions avoir un lead du corporate, mais une déclinaison pour que ce soit au plus proche du terrain, des opérationnels.
Nous avons également voulu avancer sur l'attractivité de nos packages, avoir plus de benchmark et faciliter les mobilités internationales.
Quand le projet a-t-il débuté et comment a-t-il été déployé ?
En 2017, ensuite le bouche à oreille RH a fait le reste. Certains pays attendaient de voir si c'était un projet qui allait être mené à terme avant d'investir du temps et du budget dessus, certains pays avaient des contraintes d'attractivité et ne savaient pas par quel bout prendre le sujet.
Mon équipe et moi nous rendons disponibles pour pouvoir accompagner le déploiement. Un des mots clés dans notre groupe est la subsidiarité, donc nous ne pouvons pas arriver avec une approche top down. Nous continuons, nous nous adaptons. C'est un groupe qui est en évolution, nous avons pas mal d'acquisitions également, et nous nous donnons le temps sur ce type de projet. Nous accompagnons, en restant à proximité.
C'est le pays qui avait le choix d'y aller s’il considérait que ça avait un intérêt pour lui ?
Oui, effectivement. Les qualités requises pour être C&B chez Lesaffre sont la force de conviction, porter les valeurs, porter le sens et la pédagogie, pour pouvoir montrer la valeur ajoutée du projet. À partir du moment où certains membres des équipes dirigeantes ont été convaincus, c’est aussi une porte qui a été ouverte et certains DRH de région ont pris le lead sur ces projets. Il fallait d’abord les mettre en capacité de pouvoir recevoir ce projet et ensuite de le transmettre aux différents pays.
L’Amérique latine a été, chez nous, une bonne porte d'entrée. Nous avons donc fait les évaluations de postes sur le comité de direction de cette région et ensuite pays par pays, avec la DRH en allant sur site rencontrer les équipes locales RH et les équipes managériales pour parler du projet, de la valeur ajoutée du projet et prendre un temps ensemble pour interviewer le manager.
Puis avec la DRH de région, nous faisons un zoom arrière : nous regardons le poste dans la région et au niveau du groupe. Nous avons 55 pays d’implantations usines, donc il pourrait y avoir des postes similaires.
Parfois c'est une surprise, on pense qu'ils sont similaires : le job title et le titre de la fonction sont identiques, mais le contenu est parfois bien différent. Ou l'inverse : sur un même contenu de poste, on peut avoir un niveau de manager dans une usine, et un niveau de directeur dans une autre.
En résumé : la première étape, c'est l'interview ; la deuxième c'est l'évaluation ;la troisième c'est cette calibration. Enfin, chaque manager interviewé a une restitution et on valide ensemble la photo finale.
Dans un groupe où un des mots clés est la subsidiarité, l'objectif est-il d'homogénéiser les job titles, ou pas forcément ?
C'en est un sans en être un. Nous aboutissons sur une corrélation de jobs title, c'est-à-dire que nous allons avoir les intitulés de fonction qui vont être « référents » au niveau du groupe. Ensuite chaque pays ajoute en parallèle sa liste de jobs title.
Parfois, comme au Brésil, il y a des obligations légales. Un titre = une typologie de package = une fourchette de position class. Dans d'autres pays, comme aux États-Unis, il faut être « VP » (vice president), c'est très important. Cependant, enTurquie, le terme « executive » désigne quelqu'un qui est spécialiste.
C’est en faisant ce travail de cartographie des postes que nous avons constaté une grande pluralité et hétérogénéité des postes. Cela a été le point de départ pour aboutir à une corrélation, une structure, une colonne vertébrale groupe. C'est notamment important dans le cadre des mobilités intra-groupe où pour un même poste, il existe des intitulés différents d’un pays à l’autre.
Vous avez fait le choix du partenaire Mercer pour homogénéiser et enclencher ce chantier, pouvez-vous nous en dire plus ?
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles nous avons choisi Mercer. La première, c'était le côté pédagogique de la méthodologie. En expliquant à un manager, en lui donnant une première grille de lecture, il peut assez facilement rentrer dans la méthode et participer, contribuer et valider. La deuxième, c'était la qualité des data bases, par rapport à nos implantations sur nos 55 pays. Enfin, la troisième raison était budgétaire.
Ces trois éléments nous ont permis d’aboutir à une méthodologie de référence et notre outil interne : PESO "Position evaluation for Strong Organization". Cet outil permet de centraliser toutes les pesées.
Pour autant, il subsiste encore quelques pays qui n’ont pas Mercer. Ils peuvent donc consulter les pesées recensées dansPESO mais ne peuvent pas y contribuer avec leurs propres mesures. Néanmoins nous continuons notre travail de conviction, d’harmonisation, de cohérence, d’alignement avec l’équipe et le groupe Lesaffre.
Aujourd’hui, sur les 55 pays du groupe Lesaffre, 45 sont évalués. On a pesé environ 1100 postes, qui deviennent des postes de référence et sur lesquels les pays qui basculent en méthodologie peuvent s’appuyer pour déjà avoir quelques points d’ancrage. Il leur faut ensuite peaufiner leurs spécificités par rapport à leurs enjeux en local.
Sur le job grading, qu'est-ce qui a été couvert en termes de scope de métier ? Est-ce que vous êtes allés jusqu'au Comex ? Quelle proportion de collaborateurs cela couvre chez Lesaffre ?
Étant donné la méthodologie, nous avons pris une approche de déploiement en top down, en démarrant par les postes à la tête du Groupe. Le Comex est donc pesé. Ensuite, nous avons pesé tous les leaders de région, les leaders de neuf business units. Dans l'accompagnement, nous avons fait la même chose, nous avons proposé aux pays de commencer parleur comité de direction. Ensuite, les équipes locales avec le support de leur DRH de région et le support du groupe, déploient en local. Par exemple en Chine, ils ont fait l'exercice complet : headquarters, CODIR et usine… Ils ont pesé 270 postes au total.
Comme vous êtes autonome sur la France, vous avez moins besoin de convaincre ?
Nous avons en France plusieurs business units qui sont différenciés, chacune à son rythme. Par exemple dans une usine dans l'Est de la France, la DRH avait un problème de structure salariale. Elle souhaitait remodeler la structure salariale et travailler sur la corrélation avec la convention collective. Nous sommes donc partis de la convention collective parce que c'est ce que les organisations syndicales connaissent, puis nous sommes passés par la méthodologie Mercer pour peser les différents postes de l'organisation et ensuite nous retraduisons en niveaux de convention collective pour pouvoir répondre aux instances syndicales.
Quid de la maintenance d'un système de classification de postes dans des organisations qui sont mouvantes ?
Nous organisons un rendez-vous annuel. En amont de notre processus de révision salariale, il y a donc un processus annuel de revue des grades en interne. Entité par entité, le RH nous fait remonter les postes qui pourraient avoir évolué dans l'organisation.
Nous faisons ensuite une réunion pour les valider ensemble. Nous avons donc un cycle annuel de révision et nous continuons plusieurs fois par an à proposer des sessions de formation à la méthodologie pour les RH.
Comment gérez-vous la tendance naturelle et la dérive inflationniste des postes ?
Travailler sur trois échelons nous permet de limiter cet effet : d’abord au niveau du manager et parfois de son équipe, puis au niveau du département, et enfin l’entité « pays »avec un DRH qui va pouvoir pondérer ou ajuster. Au fur et à mesure du dialogue, nous avons une tendance à converger.
Quel niveau de transparence est donné aux salariés en matière de classification et de grille salariale ? Les personnes dans l'organisation ont-elles les bons éléments de compréhension de leur positionnement ?
C'est en cours. La position class est un outil avec une granularité trop fine pour que ce soit communiqué. Le projet de « banding » qui suit celui de job grading nous permet d'avoir des « niveaux de bande » (sortes d’échelons).Sur ces niveaux de bande, le RH peut, de façon optionnelle, communiquer aux managers.
Ensuite, la troisième étape est la communication aux collaborateurs. Nous avons des pays comme enChine où les RH, les managers et les employés connaissent leur bande.
Dans d’autres pays, à l’inverse, les équipes nous ont dit que c’était impossible, elles n’étaient pas prêtes. Nous ne savons pas cela pourra se faire un jour, mais en tout cas, ce n'est pas le bon moment.
Sur la partie parcours de carrière, c'est-à-dire quand vous souhaitez passer d'une bande à une autre, c'est intéressant de savoir où vous pouvez aller. C'est un des axes sur lequel nous allons appuyer en interne pour essayer d'accompagner cette communication.Nous allons certainement l'amener sous l'angle des chemins de carrières.
Pouvez-vous nous expliquer comment la RSE vient s'impliquer dans la politique C&B de Lesaffre ?
Nous sommes en train de travailler sur la certification EcoVadis. Nous réfléchissons notamment pour savoir ce qui doit être piloté par le global et ce qui va être de la responsabilité du local.
Dans notre politique socle commun, nous allons travailler sur la partie prévoyance avec le capital décès. Sur la partie médicale, nous allons certainement avancer sur des check-up médicaux. Cela fait partie des propositions qu'on a faites, d'être plutôt en préventif qu'en curatif.
Nous sommes en train de creuser les pistes pour déployer ces outils, que cela puisse s'inscrire dans la politique benefit du groupe et que cela réponde aussi aux enjeux pour les certifications. Nous le voyons très bien aujourd'hui au niveau des recrutements et des clients, cela fait partie des besoins que nous devons couvrir.
En termes de décarbonation, nous allons avoir un projet piloté avec Engie, avec la mise en place de pompes à chaleur pour pouvoir recycler et être autosuffisants sur 70 % de nos besoins.
Comment dans le contexte actuel vous arrivez à anticiper l'impact de l'inflation sur la politique C&B du groupe Lesaffre ?
Cela reste assez compliqué à anticiper. Cependant, nous sommes sur des cycles beaucoup plus courts de révisions et d'augmentations. Sur l'Argentine, nous pouvons avoir deux voire trois augmentations générales pour la population. Sur la Turquie, nous en avons eu aussi plusieurs cette année et le Zimbabwe encore plus.
Il y a aussi la question de savoir dans quelle devise il faut payer les collaborateurs, s’il faut les payer en dollars ou en monnaie locale. Cela dépend, mais c'est quelque chose que l'on suit, que l'on accompagne sur des cycles plus courts. Il faut également croiser les sources parce que parfois entre les sources du gouvernement, les sources officielles et non officielles, nous pouvons avoir un certain écart. Il faut donc s'assurer de nos données et être en proximité temporelle des mesures.
Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans le métier de C&B aujourd’hui ?
La proximité avec les opérationnels, avec les sites et travailler sur ce lien pour avoir un sens global. C'est un peu l'image d'un ambassadeur : être l'ambassadeur du groupe sur le sens, les valeurs, la direction, la stratégie. Tout en étant aussi l'ambassadeur des filiales au niveau du groupe, pour pouvoir porter le regard opérationnel, concret, proximité terrain et faire en sorte que cela converge.
Pour qu’une mission soit réussie, le premier enjeu est de créer le lien avec les équipes. À partir du moment où vous avez créé ce lien, les équipes vont vous partager les thématiques et informations nécessaires pour faire évoluer les choses. Le deuxième enjeu est le transfert d'expertise. Nous sommes là pour partager, pour accompagner, pour supporter.
Parmi ce que j’aime dans le métier de C&B je pourrais aussi citer la conviction, apporter le sens, la vision, la pédagogie, la proximité et embarquer les gens, les motiver, donner envie…
Pour finir, quel est selon vous l’ingrédient secret à ajouter à l’addition C&B = RH + Finance +... ?
La proximité avec les équipes et avec le terrain, c'est clé.
Lesaffre : le job grading, un outil déterminant pour le C&B
Sommaire
1. L’épargne salariale et retraite, kézako ?
- L’épargne salariale, comment ça marche ?
- L’intéressement en bref
- Intéressement & start-ups/scale-ups, le combo parfait
- L’intéressement en chiffres
2. Une solution gagnant-gagnant !
- Des économies pour tous
- L’épargne salariale, un outil 360°
3. Mise en place de l’intéressement : tuto !
- 7 choses à savoir sur l’accord d’intéressement
- Les 3 grandes étapes à suivre
- Les règles d’or pour un accord réussi
- Use case #1: start-up de 200 collaborateurs
- Use case #2 : start-up de 45 collaborateurs
4. 5 conseils pour bien choisir son prestataire
- Le maître mot : la pédagogie
- Une épargne qui ressemble à vos salariés !
- L’importance d’une gamme d’investissement diversifiée • RSE : priorité aux valeurs de vos collaborateurs
- Frais transparents & compétitifs
5. (Bonus) Soigner les finitions !
- Les démarches administratives, on s’en occupe !
- Communiquez, communiquez... et communiquez !
Nous gérons l’épargne de leurs salariés
Lors de cet échange, Morgane Fino est revenue sur :
- Le fonctionnement du groupe
- L'importance du job grading
- Les phases de mise en place
- Les objectifs à court, moyen et long terme
Morgane Fino
Directrice Compensation & Benefits chez Lesaffre
Les qualités requises pour être C&B chez Lesaffre sont la force de conviction, porter les valeurs, porter le sens et la pédagogie, pour pouvoir montrer la valeur ajoutée du projet.
L’addition, Kézako ? 🙄
Un format d’interview au cours duquel Epsor part à la rencontre des Compensation & Benefits (C&B) les plus influent(e)s dans leur domaine afin de comprendre leur métier, en savoir plus sur leur vision de la rémunération et des avantages sociaux, mais également connaître leurs bonnes pratiques en la matière.
À travers ces interviews, nous nous intéresserons à la spécificité de chaque C&B, parce que leur métier ne se limite pas seulement à l’addition RH + Finance… Ils/Elles ont chacun(e) leur ingrédient secret pour ravir les collaborateurs de leur entreprise et contribuer à la marque employeur !
Pour ce quinzième rendez-vous, Epsor a rencontré Morgane Fino. Forte d'une expérience de plus de quinze ans en mobilité internationale, rémunération et avantages sociaux, Morgane est passée par Plastic Omnium, les parfums Christian Dior et a intégré Lesaffre en 2016.
👉 Voir le replay du webinar !
Pouvez-vous vous présenter et nous en dire un peu plus sur votre parcours chez Lesaffre ?
J'ai débuté ma carrière en 2005 sur un poste de mobilité internationale, puis j'ai étendu mon périmètre aux activités de Comp&Ben. J'ai ensuite eu des expériences dans différents domaines d'activité : l'automobile, le luxe, en passant par la distribution et aujourd'hui l'industrie agroalimentaire. Je suis chez Lesaffre depuis six ans. J’ai en charge la partie rémunération et avantages sociaux et j’anime une équipe de deux personnes.
Pouvez-vous présenter le groupe Lesaffre ?
Le groupe Lesaffre est basé à Marcq-en-Barœul, dans le nord de la France. Notre activité se fait principalement en B2B, donc la marque n’est pas très connue du grand public. L'histoire de Lesaffre commence en 1853, date à laquelle Pasteur était sur le point de publier les résultats de ses recherches sur la fermentation. Lesaffre et Bonduelle s'associent à cette époque-là pour créer une fabrique d'alcool. 20 ans plus tard, ils évoluent et ils décident d'investir dans la levure.
Lesaffre est aujourd'hui une société française multinationale et familiale. Notre cœur d'activité est d'explorer et révéler le potentiel de la levure et des micro-organismes. Nous avons deux activités : la levure pour la panification et la santé. Il y a trois pôles au niveau de la santé ; la santé humaine, animale et par les plantes.
Le groupe Lesaffre représente 2,2 milliards de chiffre d'affaires, 11 000 collaborateurs de 96 nationalités, sur cinq continents. En France, Lesaffre compte 2300 collaborateurs. Notre raison d'être est « Entreprendre ensemble pour mieux nourrir et protéger la planète ». L'objectif en 2050 est de pouvoir contribuer à ce que 9 milliards d'individus sur la planète puissent être nourris au plus juste des ressources de la planète.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le jobgrading chez Lesaffre ?
Il s’agit d’un dispositif de classification à vocation internationale, afin d'établir des corrélations, des niveaux de comparaison entre les postes. Nous travaillons sur sept régions de planification et neuf business units.
Nous sommes implantés dans 55 pays où nous avons des usines, des sites de production, et 185 pays en présence commerciale. Pour pouvoir obtenir les données de rémunération, les positionnements de marché et faciliter la mobilité internationale, nous étions un peu démunis. En 2017, nous avons donc initié un projet de cartographie internationale des postes par un pays volontaire : la Chine. Nous avons pu mettre en place cette comparaison via l'outil du job grading.
Par le passé, chaque pays avait un job grading ou personne n'en avait ?
Les deux : il y avait du job grading dans certains pays, d'autres n'avaient pas eu la possibilité de le mettre en place et disposaient chacun de prestataires différents. Quand nous voulions comparer, même s'il peut y avoir des tables de corrélation, ce n'était pas forcément évident. Nous n’avions pas le même discours au sein de la communauté RH.
Chez Lesaffre, le mot clé du projet était la « collaboration ». Nous avions envie qu'au sein de la communauté RH, il puisse y avoir un transfert de compétences et que l'expertise passe du groupe aux régions et des régions aux pays. Il nous fallait donc une méthodologie qui soit adaptée, qui puisse être prise en main en local, sur laquelle nous pouvions avoir un lead du corporate, mais une déclinaison pour que ce soit au plus proche du terrain, des opérationnels.
Nous avons également voulu avancer sur l'attractivité de nos packages, avoir plus de benchmark et faciliter les mobilités internationales.
Quand le projet a-t-il débuté et comment a-t-il été déployé ?
En 2017, ensuite le bouche à oreille RH a fait le reste. Certains pays attendaient de voir si c'était un projet qui allait être mené à terme avant d'investir du temps et du budget dessus, certains pays avaient des contraintes d'attractivité et ne savaient pas par quel bout prendre le sujet.
Mon équipe et moi nous rendons disponibles pour pouvoir accompagner le déploiement. Un des mots clés dans notre groupe est la subsidiarité, donc nous ne pouvons pas arriver avec une approche top down. Nous continuons, nous nous adaptons. C'est un groupe qui est en évolution, nous avons pas mal d'acquisitions également, et nous nous donnons le temps sur ce type de projet. Nous accompagnons, en restant à proximité.
C'est le pays qui avait le choix d'y aller s’il considérait que ça avait un intérêt pour lui ?
Oui, effectivement. Les qualités requises pour être C&B chez Lesaffre sont la force de conviction, porter les valeurs, porter le sens et la pédagogie, pour pouvoir montrer la valeur ajoutée du projet. À partir du moment où certains membres des équipes dirigeantes ont été convaincus, c’est aussi une porte qui a été ouverte et certains DRH de région ont pris le lead sur ces projets. Il fallait d’abord les mettre en capacité de pouvoir recevoir ce projet et ensuite de le transmettre aux différents pays.
L’Amérique latine a été, chez nous, une bonne porte d'entrée. Nous avons donc fait les évaluations de postes sur le comité de direction de cette région et ensuite pays par pays, avec la DRH en allant sur site rencontrer les équipes locales RH et les équipes managériales pour parler du projet, de la valeur ajoutée du projet et prendre un temps ensemble pour interviewer le manager.
Puis avec la DRH de région, nous faisons un zoom arrière : nous regardons le poste dans la région et au niveau du groupe. Nous avons 55 pays d’implantations usines, donc il pourrait y avoir des postes similaires.
Parfois c'est une surprise, on pense qu'ils sont similaires : le job title et le titre de la fonction sont identiques, mais le contenu est parfois bien différent. Ou l'inverse : sur un même contenu de poste, on peut avoir un niveau de manager dans une usine, et un niveau de directeur dans une autre.
En résumé : la première étape, c'est l'interview ; la deuxième c'est l'évaluation ;la troisième c'est cette calibration. Enfin, chaque manager interviewé a une restitution et on valide ensemble la photo finale.
Dans un groupe où un des mots clés est la subsidiarité, l'objectif est-il d'homogénéiser les job titles, ou pas forcément ?
C'en est un sans en être un. Nous aboutissons sur une corrélation de jobs title, c'est-à-dire que nous allons avoir les intitulés de fonction qui vont être « référents » au niveau du groupe. Ensuite chaque pays ajoute en parallèle sa liste de jobs title.
Parfois, comme au Brésil, il y a des obligations légales. Un titre = une typologie de package = une fourchette de position class. Dans d'autres pays, comme aux États-Unis, il faut être « VP » (vice president), c'est très important. Cependant, enTurquie, le terme « executive » désigne quelqu'un qui est spécialiste.
C’est en faisant ce travail de cartographie des postes que nous avons constaté une grande pluralité et hétérogénéité des postes. Cela a été le point de départ pour aboutir à une corrélation, une structure, une colonne vertébrale groupe. C'est notamment important dans le cadre des mobilités intra-groupe où pour un même poste, il existe des intitulés différents d’un pays à l’autre.
Vous avez fait le choix du partenaire Mercer pour homogénéiser et enclencher ce chantier, pouvez-vous nous en dire plus ?
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles nous avons choisi Mercer. La première, c'était le côté pédagogique de la méthodologie. En expliquant à un manager, en lui donnant une première grille de lecture, il peut assez facilement rentrer dans la méthode et participer, contribuer et valider. La deuxième, c'était la qualité des data bases, par rapport à nos implantations sur nos 55 pays. Enfin, la troisième raison était budgétaire.
Ces trois éléments nous ont permis d’aboutir à une méthodologie de référence et notre outil interne : PESO "Position evaluation for Strong Organization". Cet outil permet de centraliser toutes les pesées.
Pour autant, il subsiste encore quelques pays qui n’ont pas Mercer. Ils peuvent donc consulter les pesées recensées dansPESO mais ne peuvent pas y contribuer avec leurs propres mesures. Néanmoins nous continuons notre travail de conviction, d’harmonisation, de cohérence, d’alignement avec l’équipe et le groupe Lesaffre.
Aujourd’hui, sur les 55 pays du groupe Lesaffre, 45 sont évalués. On a pesé environ 1100 postes, qui deviennent des postes de référence et sur lesquels les pays qui basculent en méthodologie peuvent s’appuyer pour déjà avoir quelques points d’ancrage. Il leur faut ensuite peaufiner leurs spécificités par rapport à leurs enjeux en local.
Sur le job grading, qu'est-ce qui a été couvert en termes de scope de métier ? Est-ce que vous êtes allés jusqu'au Comex ? Quelle proportion de collaborateurs cela couvre chez Lesaffre ?
Étant donné la méthodologie, nous avons pris une approche de déploiement en top down, en démarrant par les postes à la tête du Groupe. Le Comex est donc pesé. Ensuite, nous avons pesé tous les leaders de région, les leaders de neuf business units. Dans l'accompagnement, nous avons fait la même chose, nous avons proposé aux pays de commencer parleur comité de direction. Ensuite, les équipes locales avec le support de leur DRH de région et le support du groupe, déploient en local. Par exemple en Chine, ils ont fait l'exercice complet : headquarters, CODIR et usine… Ils ont pesé 270 postes au total.
Comme vous êtes autonome sur la France, vous avez moins besoin de convaincre ?
Nous avons en France plusieurs business units qui sont différenciés, chacune à son rythme. Par exemple dans une usine dans l'Est de la France, la DRH avait un problème de structure salariale. Elle souhaitait remodeler la structure salariale et travailler sur la corrélation avec la convention collective. Nous sommes donc partis de la convention collective parce que c'est ce que les organisations syndicales connaissent, puis nous sommes passés par la méthodologie Mercer pour peser les différents postes de l'organisation et ensuite nous retraduisons en niveaux de convention collective pour pouvoir répondre aux instances syndicales.
Quid de la maintenance d'un système de classification de postes dans des organisations qui sont mouvantes ?
Nous organisons un rendez-vous annuel. En amont de notre processus de révision salariale, il y a donc un processus annuel de revue des grades en interne. Entité par entité, le RH nous fait remonter les postes qui pourraient avoir évolué dans l'organisation.
Nous faisons ensuite une réunion pour les valider ensemble. Nous avons donc un cycle annuel de révision et nous continuons plusieurs fois par an à proposer des sessions de formation à la méthodologie pour les RH.
Comment gérez-vous la tendance naturelle et la dérive inflationniste des postes ?
Travailler sur trois échelons nous permet de limiter cet effet : d’abord au niveau du manager et parfois de son équipe, puis au niveau du département, et enfin l’entité « pays »avec un DRH qui va pouvoir pondérer ou ajuster. Au fur et à mesure du dialogue, nous avons une tendance à converger.
Quel niveau de transparence est donné aux salariés en matière de classification et de grille salariale ? Les personnes dans l'organisation ont-elles les bons éléments de compréhension de leur positionnement ?
C'est en cours. La position class est un outil avec une granularité trop fine pour que ce soit communiqué. Le projet de « banding » qui suit celui de job grading nous permet d'avoir des « niveaux de bande » (sortes d’échelons).Sur ces niveaux de bande, le RH peut, de façon optionnelle, communiquer aux managers.
Ensuite, la troisième étape est la communication aux collaborateurs. Nous avons des pays comme enChine où les RH, les managers et les employés connaissent leur bande.
Dans d’autres pays, à l’inverse, les équipes nous ont dit que c’était impossible, elles n’étaient pas prêtes. Nous ne savons pas cela pourra se faire un jour, mais en tout cas, ce n'est pas le bon moment.
Sur la partie parcours de carrière, c'est-à-dire quand vous souhaitez passer d'une bande à une autre, c'est intéressant de savoir où vous pouvez aller. C'est un des axes sur lequel nous allons appuyer en interne pour essayer d'accompagner cette communication.Nous allons certainement l'amener sous l'angle des chemins de carrières.
Pouvez-vous nous expliquer comment la RSE vient s'impliquer dans la politique C&B de Lesaffre ?
Nous sommes en train de travailler sur la certification EcoVadis. Nous réfléchissons notamment pour savoir ce qui doit être piloté par le global et ce qui va être de la responsabilité du local.
Dans notre politique socle commun, nous allons travailler sur la partie prévoyance avec le capital décès. Sur la partie médicale, nous allons certainement avancer sur des check-up médicaux. Cela fait partie des propositions qu'on a faites, d'être plutôt en préventif qu'en curatif.
Nous sommes en train de creuser les pistes pour déployer ces outils, que cela puisse s'inscrire dans la politique benefit du groupe et que cela réponde aussi aux enjeux pour les certifications. Nous le voyons très bien aujourd'hui au niveau des recrutements et des clients, cela fait partie des besoins que nous devons couvrir.
En termes de décarbonation, nous allons avoir un projet piloté avec Engie, avec la mise en place de pompes à chaleur pour pouvoir recycler et être autosuffisants sur 70 % de nos besoins.
Comment dans le contexte actuel vous arrivez à anticiper l'impact de l'inflation sur la politique C&B du groupe Lesaffre ?
Cela reste assez compliqué à anticiper. Cependant, nous sommes sur des cycles beaucoup plus courts de révisions et d'augmentations. Sur l'Argentine, nous pouvons avoir deux voire trois augmentations générales pour la population. Sur la Turquie, nous en avons eu aussi plusieurs cette année et le Zimbabwe encore plus.
Il y a aussi la question de savoir dans quelle devise il faut payer les collaborateurs, s’il faut les payer en dollars ou en monnaie locale. Cela dépend, mais c'est quelque chose que l'on suit, que l'on accompagne sur des cycles plus courts. Il faut également croiser les sources parce que parfois entre les sources du gouvernement, les sources officielles et non officielles, nous pouvons avoir un certain écart. Il faut donc s'assurer de nos données et être en proximité temporelle des mesures.
Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans le métier de C&B aujourd’hui ?
La proximité avec les opérationnels, avec les sites et travailler sur ce lien pour avoir un sens global. C'est un peu l'image d'un ambassadeur : être l'ambassadeur du groupe sur le sens, les valeurs, la direction, la stratégie. Tout en étant aussi l'ambassadeur des filiales au niveau du groupe, pour pouvoir porter le regard opérationnel, concret, proximité terrain et faire en sorte que cela converge.
Pour qu’une mission soit réussie, le premier enjeu est de créer le lien avec les équipes. À partir du moment où vous avez créé ce lien, les équipes vont vous partager les thématiques et informations nécessaires pour faire évoluer les choses. Le deuxième enjeu est le transfert d'expertise. Nous sommes là pour partager, pour accompagner, pour supporter.
Parmi ce que j’aime dans le métier de C&B je pourrais aussi citer la conviction, apporter le sens, la vision, la pédagogie, la proximité et embarquer les gens, les motiver, donner envie…
Pour finir, quel est selon vous l’ingrédient secret à ajouter à l’addition C&B = RH + Finance +... ?
La proximité avec les équipes et avec le terrain, c'est clé.