Alpine : attirer et fidéliser les collaborateurs quand le salaire n'est pas un levier
Lors de cet échange, Claire Mesnier a notamment développé :
- Le challenge que représente le recrutement en Formule 1, contraint par la réglementation du « cost cap »
- Comment attirer et fidéliser les collaborateurs quand le salaire n'est pas un levier ?
- Quelle stratégie mettre en œuvre pour recruter plus de femmes dans un milieu très masculin ?
Claire Mesnier
DRH chez Alpine.
« En F1, il n’y a pas de course aux salaires, on ne change pas d’écurie pour gagner plus. On change pour le projet sportif, les hommes et les femmes du top management ».
L’addition, Kézako ?
Un format d’interview au cours duquel Epsor part à la rencontre des Compensation & Benefits (C&B) les plus influent(e)s dans leur domaine afin de comprendre leur métier, en savoir plus sur leur vision de la rémunération et des avantages sociaux, mais également connaître leurs bonnes pratiques en la matière.
À travers ces interviews, nous nous intéresserons à la spécificité de chaque C&B, parce que leur métier ne se limite pas seulement à l’addition RH + Finance… Ils/Elles ont chacun(e) leur ingrédient secret pour ravir les collaborateurs de leur entreprise et contribuer à la marque employeur !
Au cours de ce 14ème épisode de L'Addition, nous avons eu le plaisir d'échanger avec Claire Mesnier, Directrice des Ressources Humaines chez Alpine, écurie de Formule 1 française et constructeur automobile appartenant au groupe Renault. Nous avons notamment abordé le challenge que représente le recrutement en Formule 1 et la volonté d'Alpine de placer ses projets de diversité et d'inclusion sociale au cœur de ses objectifs de transformation.
👉 Voir le replay du webinar !
Pouvez-vous vous présenter et présenter votre entreprise ?
Claire Mesnier, je suis DRH d'Alpine et de l'ensemble de ses activités. Alpine est la marque qui rassemble toutes les activités sportives du groupe : que ce soit sur la piste en F1 (le championnat de course automobile) mais qui est aussi avant tout, en tant que marque du groupe Renault, un car manufacturer.
Cela fait 22 ans que je travaille pour le groupe Renault, à la fois dans les centres d'expertise RH mais aussi en tant que business partner sur les métiers de l'industrie et du commerce. Pendant cinq ans, je me suis occupée de tout ce qui était parcours client, marketing produit, image de marque. Aujourd'hui, cela fait un an et demi que j'ai la joie, avec une vingtaine de collaborateurs dans l'équipe, de travailler pour la marque Alpine.
Combien êtes-vous en tout chez Alpine et en France ?
Il y a 5 entités juridiques qui rassemblent 2000 collaborateurs, dont 1300 sur la Formule 1. Il y a 700 collaborateurs chez Alpine qui font le design, l'ingénierie et qui fabriquent dans notre véhicule A110.
Nous sommes répartis de chaque côté de la Manche, entre la France et l'Angleterre. En Angleterre se trouve l'écurie de F1 et l'usine qui fabrique notre châssis de F1. En France, nous avons notre usine moteur pour la partie F1, notre usine à Dieppe qui fabrique l'A110, notre ingénierie, toutes les équipes commerce et transverses.
Quelles sont les règles spécifiques à respecter sur ce marché, sur le plan budgétaire ?
La Formule 1 est un sport extrêmement réglementé. Depuis 2021, il existe une règlementation financière, ce qu’on appelle le « cost cap ». L’enjeu du cost cap est d’optimiser la façon dont les sommes sont dépensées : la plus intelligente possible pour avoir la voiture la plus performante.
À noter : les trois plus hauts salaires de l'écurie ne sont pas compris dans ces 210 millions, ni le coût des pilotes, qui ne sont pas en contrat de travail avec nous, ce sont des contrats commerciaux.
La contrainte du cost cap nous impose de faire des arbitrages entre des moyens de R&D et des moyens humains. Cela a donc un impact majeur sur la politique de rémunération et sur les salaires proposés.
Comment fait-on pour attirer les meilleurs talents par rapport à ça, pour qu'ils n’aillent pas chez vos concurrents ?
Nous sommes sur un tout petit marché de 15 000 collaborateurs pour dix écuries, cela représente environ 1000-1500 collaborateurs par écurie.
La première raison pour laquelle on arrive ou pas à attirer des talents, c'est notre top management, notre team principal : quelle réputation il a, qui est notre directeur technique, quel est son palmarès, qui est notre directeur sportif, nos pilotes… C'est énormément lié aux personnes clés. Comme c'est un milieu de compétition, les candidats ne viennent chez nous que s'ils pensent qu'ils peuvent gagner.
Vous avez peut-être entendu parler des One Hundred Races, où on doit être champion du monde en 100 courses. Comment fait-on pour être champion du monde en 100 courses ? Quelle est la solidité du plan ? Quelle est notre capacité à convaincre sur ce plan ? Quels moyens met-on en place avec la contrainte du cost cap ?
Ce qui intéresse les équipes et les candidats, c’est comment l'équipe dirigeante a construit ce plan pour gagner, pour être champion du monde. Quel est notre line-up pilote, quelle est notre stratégie par rapport au développement de notre voiture, qui on va mettre dans le baquet… Donc cela marche beaucoup par cooptation ou par confiance dans les capacités, les qualités techniques et managériales des équipes.
La deuxième raison est qu’il s’agit d’un marché très petit et fermé. Les évolutions sont restreintes, donc on peut attirer des candidats externes en proposant des perspectives d’évolutions chez nous. Une des seules façons ou presque de pouvoir progresser à partir d'un certain niveau, c'est de changer d'écurie. On prend un risque en F1 quand on recrute quelqu'un qui n'a jamais fait le job, mais c'est aussi la seule façon pour nous de miser sur des talents.
Comment cette concurrence très forte se traduit-elle sur les salaires ?
Il n'y a pas de course aux salaires. On ne change pas d'écurie pour avoir un meilleur salaire et pour gagner plus, mais pour le projet sportif, les hommes et les femmes qui le portent.
Ce qui ressort également, c'est la partie « Great place to work » : quelle est l'ambiance, quelles sont les valeurs, est-ce que c'est familial, est-ce que c'est délétère, est-ce que l’esprit de compétition est poussé jusqu’à l’individualisme, est-ce qu'il y a encore un sens du collectif et de l'équipe...
L’ambiance en Formule 1 est très particulière : c'est à la fois un sport d'équipe qui unit la machine, l'homme, les mécaniciens, les deux ingénieurs en piste… Ils développent ensemble la voiture. Et en même temps, ce sont des pilotes avec de gros egos, des champions qui travaillent pour gagner et pour être champion.
Il y a un sujet autour de quelle est la part du collectif et de l'individuel, y compris dans la partie rémunération. Ce sont des sujets qui peuvent être compliqués parce qu'il y a vraiment besoin d'unité, de coopération et de team spirit très fort, sinon on ne gagne pas dans ce sport.
Enfin, un nouveau sujet qui était apparu avec le Covid est la partie télétravail. Il n'y a que deux écuries sur dix qui l’ont mis en place et Alpine est l’écurie la plus téméraire sur le sujet. Nous offrons la possibilité aux collaborateurs de travailler à distance deux jours par semaine. Cette mesure nous permet de marquer des points auprès de certaines populations et notamment tous les profils digitaux, avec lesquels nous sommes en compétition avec les GAFA.
Est-ce qu'il y a un mécanisme de rétribution des collaborateurs à l'atteinte d'objectifs collectifs ?
Oui c'est très normé, cela s'appelle le Bonus Championship : c'est lié au classement final de l'écurie au championnat. Il existe dans toutes les écuries et c'est une somme fixe qui est versée à chaque collaborateur, quel que soit son statut, son salaire, sa rémunération. Cette somme est exclue du cost cap. Par exemple, cette année, si on finit quatrième, tout le monde reçoit 4000 pounds. Si on finit troisième, c'est 7000 pounds, etc.
La structure de rémunération standard dans une écurie, c'est un salaire fixe, il n'y a pas vraiment de parts variables individuelles. Sauf pour le top 20, qui a une part variable, qui n'est pas uniquement sur les résultats de courses ou de championnats.
À noter qu’en France, sur l’équipe moteur, nous avons un accord d'intéressement sur quatre critères, dont un lié aux résultats du championnat et d'autres qui sont déjà liés à un projet, du respect de budget, etc.
Si vous deviez résumer les leviers d'attractivité et de fidélisation d'Alpine dans ce marché compétitif, quels seraient-ils ?
Le projet, le leadership, les valeurs, l'environnement de travail. Et de plus en plus, notre capacité de permettre à chaque collaborateur de progresser. Le passage d'une écurie à l'autre se fait non pas pour aller chercher plus d'argent, mais pour avoir plus de responsabilités et évoluer dans le monde de la F1. Il y a également un vrai sens du collectif, beaucoup plus que des industries « classiques ».
Quelle place pour la RSE dans l'univers RH Alpine ? Quelles sont vos ambitions et celles du groupe sur le sujet de l’inclusion et de la diversité ?
Il est important de différencier Alpine et la F1. Alpine c'est d'abord un projet de marque hérité de Jean Rédélé (créateur de la marque Alpine). C'est un héritage qui est extrêmement fort en termes de course automobile, mais aussi de voiture sportive. L'ambition de cette marque, c'est aussi d'avoir une line-up complète 100 % zéro émissions d'ici à 2026.
Le projet Rac(H)er incarne ces valeurs : nous souhaitons que les jeunes femmes puissent être inspirées par la F1, par Alpine, et puissent s’orienter vers des carrières d’ingénieures. Le projet Alpine est construit autour de la performance : nous voulons la meilleure voiture avec le meilleur pilote pour être champion du monde. Pour faire la meilleure voiture, il faut les meilleurs ingénieurs. Avec seulement 7-8% de femmes sur la partie ingénieurs, je suis en droit de me demander si j'ai vraiment les meilleurs ingénieurs.
On se concentre sur la diversité de genre et l'inclusion sociale : il y a des talents partout, un peu cachés et il faut aller les chercher là où ils sont et ne pas prendre que les grandes écoles d'ingénieurs. C'est l'enjeu du programme Rac(H)er : un projet de transformation. Les objectifs concrets, c'est de passer de 10 à 30 % de femmes en 2026 et d'avoir un « gender pay gap » à zéro à fin 2023.
Sur cette problématique de recrutement et de vivier, quelles actions menez-vous ? Avez-vous des partenariats avec des écoles en particulier pour essayer de donner envie ?
Les femmes d'Alpine, sur la base du volontariat, peuvent mentorer des collégiennes : elles vont présenter leur métier, leurs parcours, pourquoi elles sont ingénieures. En France, la féminisation est un vrai sujet encadré par la loi, ce qui n'est pas le cas en Angleterre, où on n'a pas ce type d'obligation.
Nous avons aussi des partenariats avec d'autres entreprises, avec nos sponsors. Nous travaillons aussi avec l'Organisation des Nations Unies. Chez Alpine, nous estimons que c'est notre rôle dans ce milieu du sport automobile d'apporter notre pierre à l'édifice. Par exemple, chaque collaborateur d'Alpine qui a des enfants à partir de 2023 sera équipé d'un kit : un kit maternelle, un kit primaire, un kit collège, etc. On demande une fois par an que chaque parent aille dans l'école de son enfant parler des métiers d'ingénierie, technique, informatique, etc, afin de traiter dès aujourd’hui les besoins en compétences de demain, notamment auprès des filles et des jeunes femmes.
Le programme Rac(H)er a quatre piliers, dont l’un est un programme de recherche. On veut le meilleur pilote sur trois dimensions : physique, cognitive et émotionnelle. Ça sera peut-être un homme, ou potentiellement une femme. Si une jeune fille a les capacités et l'envie de devenir championne du monde, il faut lui donner exactement les mêmes chances, les mêmes possibilités par un programme adapté, en comprenant bien comment fonctionne le petit garçon et la petite fille de dix ans qui vont démarrer ça et les amener au bout l'un et l'autre. Et que le meilleur gagne.
Comment avez-vous compensé la pression inflationniste pour les collaborateurs, en termes de pouvoir d'achat ?
C'est très important qu'on soit aligné avec ce que fait le groupe Renault. On est parti sur un budget assez élevé où chacun a la possibilité d'utiliser ce budget soit pour faire des augmentations générales de salaire, soit pour faire de l'individuel.
Nous ne pourrons pas compenser l’inflation, surtout au Royaume-Uni où elle monte à 17-18 %. Nous mettons également en place des mesures spécifiques pour le pouvoir d'achat. Au mois de novembre par exemple sur l'écurie, l'ensemble des collaborateurs a touché une prime de 700 pounds. Nous essayons de déconnecter le sujet de l'inflation avec la politique salariale et de traiter la problématique de pouvoir d'achat à part.
Comp&Ben = RH + Finance + … Quel est selon vous l’ingrédient secret à ajouter ?
La niaque !
Alpine : attirer et fidéliser les collaborateurs quand le salaire n'est pas un levier
Sommaire
1. L’épargne salariale et retraite, kézako ?
- L’épargne salariale, comment ça marche ?
- L’intéressement en bref
- Intéressement & start-ups/scale-ups, le combo parfait
- L’intéressement en chiffres
2. Une solution gagnant-gagnant !
- Des économies pour tous
- L’épargne salariale, un outil 360°
3. Mise en place de l’intéressement : tuto !
- 7 choses à savoir sur l’accord d’intéressement
- Les 3 grandes étapes à suivre
- Les règles d’or pour un accord réussi
- Use case #1: start-up de 200 collaborateurs
- Use case #2 : start-up de 45 collaborateurs
4. 5 conseils pour bien choisir son prestataire
- Le maître mot : la pédagogie
- Une épargne qui ressemble à vos salariés !
- L’importance d’une gamme d’investissement diversifiée • RSE : priorité aux valeurs de vos collaborateurs
- Frais transparents & compétitifs
5. (Bonus) Soigner les finitions !
- Les démarches administratives, on s’en occupe !
- Communiquez, communiquez... et communiquez !
Nous gérons l’épargne de leurs salariés
Lors de cet échange, Claire Mesnier a notamment développé :
- Le challenge que représente le recrutement en Formule 1, contraint par la réglementation du « cost cap »
- Comment attirer et fidéliser les collaborateurs quand le salaire n'est pas un levier ?
- Quelle stratégie mettre en œuvre pour recruter plus de femmes dans un milieu très masculin ?
Claire Mesnier
DRH chez Alpine.
« En F1, il n’y a pas de course aux salaires, on ne change pas d’écurie pour gagner plus. On change pour le projet sportif, les hommes et les femmes du top management ».
L’addition, Kézako ?
Un format d’interview au cours duquel Epsor part à la rencontre des Compensation & Benefits (C&B) les plus influent(e)s dans leur domaine afin de comprendre leur métier, en savoir plus sur leur vision de la rémunération et des avantages sociaux, mais également connaître leurs bonnes pratiques en la matière.
À travers ces interviews, nous nous intéresserons à la spécificité de chaque C&B, parce que leur métier ne se limite pas seulement à l’addition RH + Finance… Ils/Elles ont chacun(e) leur ingrédient secret pour ravir les collaborateurs de leur entreprise et contribuer à la marque employeur !
Au cours de ce 14ème épisode de L'Addition, nous avons eu le plaisir d'échanger avec Claire Mesnier, Directrice des Ressources Humaines chez Alpine, écurie de Formule 1 française et constructeur automobile appartenant au groupe Renault. Nous avons notamment abordé le challenge que représente le recrutement en Formule 1 et la volonté d'Alpine de placer ses projets de diversité et d'inclusion sociale au cœur de ses objectifs de transformation.
👉 Voir le replay du webinar !
Pouvez-vous vous présenter et présenter votre entreprise ?
Claire Mesnier, je suis DRH d'Alpine et de l'ensemble de ses activités. Alpine est la marque qui rassemble toutes les activités sportives du groupe : que ce soit sur la piste en F1 (le championnat de course automobile) mais qui est aussi avant tout, en tant que marque du groupe Renault, un car manufacturer.
Cela fait 22 ans que je travaille pour le groupe Renault, à la fois dans les centres d'expertise RH mais aussi en tant que business partner sur les métiers de l'industrie et du commerce. Pendant cinq ans, je me suis occupée de tout ce qui était parcours client, marketing produit, image de marque. Aujourd'hui, cela fait un an et demi que j'ai la joie, avec une vingtaine de collaborateurs dans l'équipe, de travailler pour la marque Alpine.
Combien êtes-vous en tout chez Alpine et en France ?
Il y a 5 entités juridiques qui rassemblent 2000 collaborateurs, dont 1300 sur la Formule 1. Il y a 700 collaborateurs chez Alpine qui font le design, l'ingénierie et qui fabriquent dans notre véhicule A110.
Nous sommes répartis de chaque côté de la Manche, entre la France et l'Angleterre. En Angleterre se trouve l'écurie de F1 et l'usine qui fabrique notre châssis de F1. En France, nous avons notre usine moteur pour la partie F1, notre usine à Dieppe qui fabrique l'A110, notre ingénierie, toutes les équipes commerce et transverses.
Quelles sont les règles spécifiques à respecter sur ce marché, sur le plan budgétaire ?
La Formule 1 est un sport extrêmement réglementé. Depuis 2021, il existe une règlementation financière, ce qu’on appelle le « cost cap ». L’enjeu du cost cap est d’optimiser la façon dont les sommes sont dépensées : la plus intelligente possible pour avoir la voiture la plus performante.
À noter : les trois plus hauts salaires de l'écurie ne sont pas compris dans ces 210 millions, ni le coût des pilotes, qui ne sont pas en contrat de travail avec nous, ce sont des contrats commerciaux.
La contrainte du cost cap nous impose de faire des arbitrages entre des moyens de R&D et des moyens humains. Cela a donc un impact majeur sur la politique de rémunération et sur les salaires proposés.
Comment fait-on pour attirer les meilleurs talents par rapport à ça, pour qu'ils n’aillent pas chez vos concurrents ?
Nous sommes sur un tout petit marché de 15 000 collaborateurs pour dix écuries, cela représente environ 1000-1500 collaborateurs par écurie.
La première raison pour laquelle on arrive ou pas à attirer des talents, c'est notre top management, notre team principal : quelle réputation il a, qui est notre directeur technique, quel est son palmarès, qui est notre directeur sportif, nos pilotes… C'est énormément lié aux personnes clés. Comme c'est un milieu de compétition, les candidats ne viennent chez nous que s'ils pensent qu'ils peuvent gagner.
Vous avez peut-être entendu parler des One Hundred Races, où on doit être champion du monde en 100 courses. Comment fait-on pour être champion du monde en 100 courses ? Quelle est la solidité du plan ? Quelle est notre capacité à convaincre sur ce plan ? Quels moyens met-on en place avec la contrainte du cost cap ?
Ce qui intéresse les équipes et les candidats, c’est comment l'équipe dirigeante a construit ce plan pour gagner, pour être champion du monde. Quel est notre line-up pilote, quelle est notre stratégie par rapport au développement de notre voiture, qui on va mettre dans le baquet… Donc cela marche beaucoup par cooptation ou par confiance dans les capacités, les qualités techniques et managériales des équipes.
La deuxième raison est qu’il s’agit d’un marché très petit et fermé. Les évolutions sont restreintes, donc on peut attirer des candidats externes en proposant des perspectives d’évolutions chez nous. Une des seules façons ou presque de pouvoir progresser à partir d'un certain niveau, c'est de changer d'écurie. On prend un risque en F1 quand on recrute quelqu'un qui n'a jamais fait le job, mais c'est aussi la seule façon pour nous de miser sur des talents.
Comment cette concurrence très forte se traduit-elle sur les salaires ?
Il n'y a pas de course aux salaires. On ne change pas d'écurie pour avoir un meilleur salaire et pour gagner plus, mais pour le projet sportif, les hommes et les femmes qui le portent.
Ce qui ressort également, c'est la partie « Great place to work » : quelle est l'ambiance, quelles sont les valeurs, est-ce que c'est familial, est-ce que c'est délétère, est-ce que l’esprit de compétition est poussé jusqu’à l’individualisme, est-ce qu'il y a encore un sens du collectif et de l'équipe...
L’ambiance en Formule 1 est très particulière : c'est à la fois un sport d'équipe qui unit la machine, l'homme, les mécaniciens, les deux ingénieurs en piste… Ils développent ensemble la voiture. Et en même temps, ce sont des pilotes avec de gros egos, des champions qui travaillent pour gagner et pour être champion.
Il y a un sujet autour de quelle est la part du collectif et de l'individuel, y compris dans la partie rémunération. Ce sont des sujets qui peuvent être compliqués parce qu'il y a vraiment besoin d'unité, de coopération et de team spirit très fort, sinon on ne gagne pas dans ce sport.
Enfin, un nouveau sujet qui était apparu avec le Covid est la partie télétravail. Il n'y a que deux écuries sur dix qui l’ont mis en place et Alpine est l’écurie la plus téméraire sur le sujet. Nous offrons la possibilité aux collaborateurs de travailler à distance deux jours par semaine. Cette mesure nous permet de marquer des points auprès de certaines populations et notamment tous les profils digitaux, avec lesquels nous sommes en compétition avec les GAFA.
Est-ce qu'il y a un mécanisme de rétribution des collaborateurs à l'atteinte d'objectifs collectifs ?
Oui c'est très normé, cela s'appelle le Bonus Championship : c'est lié au classement final de l'écurie au championnat. Il existe dans toutes les écuries et c'est une somme fixe qui est versée à chaque collaborateur, quel que soit son statut, son salaire, sa rémunération. Cette somme est exclue du cost cap. Par exemple, cette année, si on finit quatrième, tout le monde reçoit 4000 pounds. Si on finit troisième, c'est 7000 pounds, etc.
La structure de rémunération standard dans une écurie, c'est un salaire fixe, il n'y a pas vraiment de parts variables individuelles. Sauf pour le top 20, qui a une part variable, qui n'est pas uniquement sur les résultats de courses ou de championnats.
À noter qu’en France, sur l’équipe moteur, nous avons un accord d'intéressement sur quatre critères, dont un lié aux résultats du championnat et d'autres qui sont déjà liés à un projet, du respect de budget, etc.
Si vous deviez résumer les leviers d'attractivité et de fidélisation d'Alpine dans ce marché compétitif, quels seraient-ils ?
Le projet, le leadership, les valeurs, l'environnement de travail. Et de plus en plus, notre capacité de permettre à chaque collaborateur de progresser. Le passage d'une écurie à l'autre se fait non pas pour aller chercher plus d'argent, mais pour avoir plus de responsabilités et évoluer dans le monde de la F1. Il y a également un vrai sens du collectif, beaucoup plus que des industries « classiques ».
Quelle place pour la RSE dans l'univers RH Alpine ? Quelles sont vos ambitions et celles du groupe sur le sujet de l’inclusion et de la diversité ?
Il est important de différencier Alpine et la F1. Alpine c'est d'abord un projet de marque hérité de Jean Rédélé (créateur de la marque Alpine). C'est un héritage qui est extrêmement fort en termes de course automobile, mais aussi de voiture sportive. L'ambition de cette marque, c'est aussi d'avoir une line-up complète 100 % zéro émissions d'ici à 2026.
Le projet Rac(H)er incarne ces valeurs : nous souhaitons que les jeunes femmes puissent être inspirées par la F1, par Alpine, et puissent s’orienter vers des carrières d’ingénieures. Le projet Alpine est construit autour de la performance : nous voulons la meilleure voiture avec le meilleur pilote pour être champion du monde. Pour faire la meilleure voiture, il faut les meilleurs ingénieurs. Avec seulement 7-8% de femmes sur la partie ingénieurs, je suis en droit de me demander si j'ai vraiment les meilleurs ingénieurs.
On se concentre sur la diversité de genre et l'inclusion sociale : il y a des talents partout, un peu cachés et il faut aller les chercher là où ils sont et ne pas prendre que les grandes écoles d'ingénieurs. C'est l'enjeu du programme Rac(H)er : un projet de transformation. Les objectifs concrets, c'est de passer de 10 à 30 % de femmes en 2026 et d'avoir un « gender pay gap » à zéro à fin 2023.
Sur cette problématique de recrutement et de vivier, quelles actions menez-vous ? Avez-vous des partenariats avec des écoles en particulier pour essayer de donner envie ?
Les femmes d'Alpine, sur la base du volontariat, peuvent mentorer des collégiennes : elles vont présenter leur métier, leurs parcours, pourquoi elles sont ingénieures. En France, la féminisation est un vrai sujet encadré par la loi, ce qui n'est pas le cas en Angleterre, où on n'a pas ce type d'obligation.
Nous avons aussi des partenariats avec d'autres entreprises, avec nos sponsors. Nous travaillons aussi avec l'Organisation des Nations Unies. Chez Alpine, nous estimons que c'est notre rôle dans ce milieu du sport automobile d'apporter notre pierre à l'édifice. Par exemple, chaque collaborateur d'Alpine qui a des enfants à partir de 2023 sera équipé d'un kit : un kit maternelle, un kit primaire, un kit collège, etc. On demande une fois par an que chaque parent aille dans l'école de son enfant parler des métiers d'ingénierie, technique, informatique, etc, afin de traiter dès aujourd’hui les besoins en compétences de demain, notamment auprès des filles et des jeunes femmes.
Le programme Rac(H)er a quatre piliers, dont l’un est un programme de recherche. On veut le meilleur pilote sur trois dimensions : physique, cognitive et émotionnelle. Ça sera peut-être un homme, ou potentiellement une femme. Si une jeune fille a les capacités et l'envie de devenir championne du monde, il faut lui donner exactement les mêmes chances, les mêmes possibilités par un programme adapté, en comprenant bien comment fonctionne le petit garçon et la petite fille de dix ans qui vont démarrer ça et les amener au bout l'un et l'autre. Et que le meilleur gagne.
Comment avez-vous compensé la pression inflationniste pour les collaborateurs, en termes de pouvoir d'achat ?
C'est très important qu'on soit aligné avec ce que fait le groupe Renault. On est parti sur un budget assez élevé où chacun a la possibilité d'utiliser ce budget soit pour faire des augmentations générales de salaire, soit pour faire de l'individuel.
Nous ne pourrons pas compenser l’inflation, surtout au Royaume-Uni où elle monte à 17-18 %. Nous mettons également en place des mesures spécifiques pour le pouvoir d'achat. Au mois de novembre par exemple sur l'écurie, l'ensemble des collaborateurs a touché une prime de 700 pounds. Nous essayons de déconnecter le sujet de l'inflation avec la politique salariale et de traiter la problématique de pouvoir d'achat à part.
Comp&Ben = RH + Finance + … Quel est selon vous l’ingrédient secret à ajouter ?
La niaque !