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Aircall : RH et politique de rémunération en scale-up
Aircall : RH et politique de rémunération en scale-up
Entreprises
13
 
January
 
2023
5
 minutes

Aircall : RH et politique de rémunération en scale-up

Pour l'épisode 16 de L’addition, Epsor a reçu Sandrine Meunier, Chief People Officer chez Aircall.
Julien Niquet
Président

Avec plus de 20 ans d'expérience dans des fonctions RH chez Fnac, La Redoute, Saint Laurent ou encore Ledger, Sandrine Meunier, qui a rejoint la scale-up française Aircall en 2019, détaille dans L'addition :

  • RH et rémunération : le fonctionnement d'Aircall
  • Grossir vite sans s'éparpiller
  • Communiquer pour entretenir la flamme
  • Questions et réponses
Sandrine Meunier Aircall

Sandrine Meunier

Chief People Officer, Aircall

L’addition, Kézako ? 🙄

Un format d’interview au cours duquel Epsor part à la rencontre des Compensation& Benefits (C&B), des DRH et des DAF parmi les plus influent(e)s dans leur domaine. L’objectif : comprendre la profession de ces derniers, en savoir plus sur leur vision de la rémunération et des avantages sociaux et connaître leurs bonnes pratiques.

À travers ces entretiens, nous nous intéresserons à la façon dont chacun(e) incarne ses fonctions, parce que leur métier ne se limite pas seulement à l’addition RH + Finance… toutes et tous ont un ingrédient secret pour ravir leurs collaborateurs et renforcer la marque employeur de leur entreprise !

👉 Voir le replay du webinar !

Pouvez-vous vous présenter ? Et présenter Aircall ? 

Je suis Sandrine Meunier, Chief People Officer d’Aircall (ou DRH en français). Auparavant je suis passée par des grands groupes, en France et à l’international, dans diverses industries. Il y a cinq ans, j’ai décidé de quitter l’univers des grands groupes pour rejoindre une ETI dans la tech.

Aircall est une scale-up née il y a sept ans et qui distribue un logiciel de téléphonie partout dans le monde. Aircall grossit très vite : j’ai rejoint l’entreprise quand elle comptait 200 collaborateurs dans deux pays. Nous sommes aujourd’hui 800 répartis dans 21 pays et huit bureaux. Nous sommes donc dans de l’« hyperscale ».


Pourquoi avoir quitté de grands groupes pour rejoindre une scale-up, et même une licorne de la tech ?

Au départ mon souhait était avant tout de rejoindre une petite structure. J’ai appris beaucoup au sein des grands groupes, mais il y a cinq ans, j’ai observé que les attentes des salariés avaient changé. Dans les grands groupes, il y a une importante structuration : nécessité de reporting, avec peu d’outils à l’époque. On passait donc beaucoup de temps sur Excel pour réaliser ce reporting ; à l’inverse, on ne passait pas assez de temps à l’écoute du corps social, des salariés, ni à mettre en place de façon collaborative une expérience collaborateur appropriée.

J’ai donc voulu rejoindre une structure plus petite pour retrouver ce lien humain, bâtir une vraie expérience avec les personnes qui composent l’entreprise.

 

Quelles différences avez-vous observées entre les grands groupes et les scale-ups ?

Toute entreprise est différente, les pays aussi, les humains aussi : c’est ce qui est intéressant dans ce métier.

La plus grosse différence est liée au temps : en start-up ou scale-up, l’échelle de temps est délirante ! Par exemple, Aircall double chaque année ses effectifs. On doit donc faire beaucoup de choses en un temps réduit.

La seconde différence est la structuration. Dans les grands groupes, un DRH est accompagné de fonctions supports ou d’experts RH dans les différents métiers. Chaque expert amène sa solution aux problèmes soulevés par le DRH. En start-up ou scale-up, quand l’entreprise est encore assez petite, un RH est plutôt seul, il crée la fonction. Il n’a pas d’experts, mais doit décider les sujets à adresser en priorité.

À ce moment-là, les dirigeants ne pensent pas forcément à la rémunération comme sujet prioritaire. Or, l’enjeu premier d’une start-up est de recruter, de construire des équipes, d’attirer les meilleurs talents alors que l’entreprise n’est pas ou peu connue.

Dans ce contexte, le DRH doit éclairer sur les différents aspects de sa fonction, il doit éduquer les dirigeants : le recrutement n’est qu’une partie du sujet, il faut bâtir petit à petit les leviers d’engagement et de rétention.

 

Comment avez-vous procédé chez Aircall pour faire de la rémunération un sujet prioritaire ?

J’ai eu la chance d’avoir auparavant une première expérience en scale-up chez Ledger. À l’époque on était 100 salariés. Le CEO avait déjà une expérience de scale-up, et à mon arrivée, il m’a tout de suite dit : « la première chose que tu as à faire, c’est recruter un Comp&Ben ». J’étais surprise ! Je me demandais ce que ferait le Comp&Ben alors qu’on était 100.

Le CEO anticipait que l’entreprise grossirait très vite, et qu’il fallait donc dès que possible bâtir les fondations claires et précises d’une politique de rémunération. J’ai suivi son conseil, et effectivement très rapidement, le Comp&Ben que j’avais recruté a été débordé (malgré tout son talent) ! 

Il y avait beaucoup de choses à faire, les problématiques de l’international sont arrivées sur la table, le marché était très compétitif… On avait l’ambition de construire une expérience collaborateur équitable : c’est-à-dire prendre en compte les disparités et les spécificités locales, tout en servant une politique RH et les valeurs de l’entreprise. 

Mon conseil serait donc d’aller chercher cette compétence rapidement. Cela permet également d’utiliser la rémunération comme levier d’engagement : la rémunération engage dès lors qu’on se sent et qu’on se sait justement payé.

Par exemple chez Aircall, tous les salariés sont actionnaires (via des stocks options) : dans l’onboarding, on a prévu pour tout nouvel arrivant 1h d’échange avec le Comp&Ben pour expliquer comment fonctionnent les stocks options.

 

Comment pourrait-on résumer la culture d’entreprise et la politique de rémunération et d’avantages sociaux chez Aircall ?

Ma conviction est qu’une politique de rémunération et d’avantages sociaux doit servir et être 100% en phase avec les valeurs de l’entreprise. Il faut donc s’assurer que les valeurs prônées sont toujours en phase avec ce qu’est l’entreprise et ses enjeux, et pour cela les challenger régulièrement.

Chez Aircall, nous avons comme grandes valeurs : l’entrepreneuriat, le collectif, l’excellence. On veut promouvoir une culture d’évolution basée sur des règles claires d’ancienneté et de performance qui doivent être atteintes.

Dans notre politique de rémunération, on promeut l’équité entre les collaborateurs. On organise une « salary review » par an, au cours de laquelle on vérifie notre positionnement marché dans tous les pays dans lesquels on est présents. On fait une cotation de poste en fonction du marché, sur nos 800 postes. Tous les postes sont donc benchmarkés : ainsi on s’assure que nos collaborateurs sont payés au minimum au tarif du marché. Le cas échéant, on ajuste avec des rattrapages quand c’est nécessaire, par exemple quand le marché évolue selon le pays, le poste…

Pour garantir l’équité, chaque offre faite à un candidat est validée en amont par un Comp&Ben. On vérifie à l’entrée qu’il n’y aura pas de disparité. Pourtant c’est quelque chose de difficile à faire quand on est une start-up, on veut être attractif et attirer les meilleurs talents.

Les règles concernant notre actionnariat, notre plan d’equity sont connus de tous afin de les rendre incitatifs. C’est donc un fort levier d’engagement et de motivation des collaborateurs.

 

Quel est votre rôle sur les sujets de rémunération et d’avantages sociaux ?

Dans le SaaS (software as a service, l’univers des logiciels), on ne fabrique rien de palpable : on n’a pas d’usine, pas de magasins, pas de matières premières… Notre coût principal est donc la masse salariale et nos bureaux. Je gère donc l’investissement de nos investisseurs : c’est une grande responsabilité !

Mon rôle est donc de vérifier que ma politique crée de l’engagement. On fait pour cela une grosse enquête annuelle auprès des salariés sur leur niveau de satisfaction concernant leur rémunération et leurs avantages. 

Un autre pan de mon rôle est d’éduquer les dirigeants, les fondateurs. La rémunération n’est pas uniquement de la data ! Mais tout le monde n’en a pas conscience. Il faut toujours avoir en tête que chacune de nos décisions a des conséquences : sur l’engagement, sur la culture, sur la confiance, sur la productivité.

Il est également fondamental d’éduquer le CFO et de construire une vraie relation de partenariat. Éduquer sur les conséquences des décisions sur la productivité et les résultats et l’efficacité de l’entreprise : voilà également mon rôle.

 

Avez-vous constaté des différences dans les attentes des salariés, entre un grand groupe et une scale-up ?

J’ai quitté les grands groupes il y a cinq ans ; les attentes des salariés évoluent beaucoup pendant ce laps de temps !

Néanmoins j’ai constaté que dans les start-ups et scale-ups, comme on recrute des personnes ambitieuses et engagées, elles veulent évoluer très vite, bien plus que dans les grands groupes. Comme je le disais au début, cette question du temps est très différente. En start-up au bout d’un an, il arrive assez souvent qu’un collaborateur me dise qu’il a fait le tour de son poste, qu’il veut être promu… Parfois de façon disproportionnée ! 

D’autant plus si au début de l’aventure de l’entreprise, avant qu’un Comp&Ben n’arrive, on a « habitué » les talents qu’on voulait retenir à des augmentations de salaire, des évolutions salariales très rapides. À nous de les ré-éduquer sur la réalité de l’évolution professionnelle.

 

Pouvez-vous nous parler de la diversité et de l’inclusion chez Aircall ?

Ça a été un choc pour moi et un apprentissage. Le sujet ne m’avait pas traversé l’esprit dans les vingt premières années de ma carrière. Il a été mis sur la table chez Aircall très rapidement après que je sois arrivée.

Et en regardant nos chiffres, on s’est rendu compte de différences entre les femmes et les hommes. Aux Etats-Unis, comme c’est autorisé, on a également regardé en fonction de l’ethnie. Et on a eu des surprises, on avait des progrès à faire !

Avec nos salariés, on a donc construit notre statement : quelle entreprise a-t-on envie d’être, en termes de diversité et d’inclusion ? Que peut-on faire ? Et que ne peut-on pas encore faire aujourd’hui (pour des raisons de moyens) ?

Aujourd’hui chez Aircall, on a 50% de femmes au sein de nos VP. Donc les sujets avancent ! Et je pense que ce n’est pas un sujet réservé aux start-ups, c’est un sujet sociétal qui s’applique aussi aux grands groupes.

Quand on est un groupe international, le développement et la communication de ces sujets doivent être déployés de manière très locale, car c’est très sensible et cela peut même être blessant. Chacun a sa propre histoire par rapport à la diversité, donc la communication doit être très locale et bien définie.

 

Selon vous, que pourrait-il manquer aux start-ups par rapport aux grands groupes ? Que pourrait-on leur emprunter ?

Ce qui est unique dans un grand groupe est la solidité de la palette de services proposés aux collaborateurs pour leurs évolutions (de carrière, de salaire…). L’évolution est très organisée dans les grands groupes, mais peut-être pas suffisamment agile par rapport à la fréquence des évolutions de marché, des évolutions économiques, par rapport aussi aux attentes des salariés.

Aujourd’hui, les collaborateurs beaucoup plus libres qu’il ya vingt ans. C’est aussi un effet du Covid-19 : on n’a plus envie de passer sa vie à la gagner, on veut la passer à la vivre. Et je pense que les grands groupes ont oublié cela. Ils proposent des parcours incroyables (travailler dans des pays différents, des entités et des industries différentes au sein d’un même groupe, des mobilités très intéressantes), mais ne le font pas suffisamment savoir. Donc aujourd’hui, je rencontre fréquemment des candidats venant de ces grands groupes qui me disent « je m’ennuie dans mon travail, je n’ai pas la place d’exprimer les changements auxquels je crois, je ne suis pas écouté ».

En scale-up, on a cette différence fondamentale que l’on doit cultiver : l’écoute. C’est la fondation du lien humain. On écoute pour comprendre, pour changer, et pour répondre.

 

Dans un contexte fortement concurrentiel des talents en start-ups et scale-ups, quelle est votre conviction sur les niveaux de salaires proposés par le marché ?

Effectivement, nous sommes dans un marché où on veut tous les mêmes talents ! En 2021 et début 2022, beaucoup de scale-ups ont levé des fonds, et ont pu embaucher à tours de bras. On a donc vu les salaires atteindre des niveaux délirants ! Les candidats étaient eux-mêmes dans plusieurs parcours de recrutement et faisaient monter les enchères.

Il y a deux ou trois ans, quand Aircall était en pleine croissance, notre urgence était de recruter « quoi qu’il en coute ». Quand on avait un super candidat, même s’il était en dehors de toutes les grilles et les niveaux de rémunération, on était tenté de le prendre malgré tout. Je n’étais pas forcément d’accord car j’anticipais que ça amènerait des problèmes, on aurait des inégalités de traitement si le salaire à l’entrée était si différent.

Puis le marché s’est retourné, on est revenu à une croissance plus raisonnée. Aujourd’hui chez Aircall, on a fait le choix de ne pas rentrer dans cette course aux salaires. Parfois il faut savoir perdre des candidats, perdre du temps pour rester dans des niveaux de salaires qui soient cohérents.

On se permet de faire cela car on benchmark nos salaires avec le marché de la tech, or ce marché n’est pas composé que de scale-ups. Quand on a un candidat génial mais qui est complètement hors marché, on lui dit non. Évidemment, cette position est plus facile à assumer maintenant qu’on est 800, plutôt qu’à l’époque où on était 120 et que ce poste était« critique ».

 

Que pensez-vous de la transparence des salaires ?

Je ne crois pas que cela amène quelque chose. Je pense qu’on ne peut partager que ce que l’on peut comprendre.

Afficher la data brute des salaires peut être choquante quand on ne sait pas ce qu’il y a derrière un métier. On donne à voir des choses que les salariés ne comprennent pas, car ils n’ont pas toute l’information pour en avoir une analyse correcte.

Chez Aircall, on partage les niveaux de salaires d’un métier. Cela permet à un collaborateur de savoir, quand il prendra en séniorité, ce qu’il gagnera.

 

Comp&Ben = RH + Finance + … Quel est votre ingrédient secret ?

L’engagement. Le conseil que je pourrais donner est de se demander, pour chaque décision qu’on prend : cette décision est-elle au service de l’engagement des salariés, leur productivité et leur épanouissement au travail ? Je pense qu’on a alors là un cap intéressant pour le développement de l’entreprise et de ses collaborateurs.

L'addition, une communauté Epsor

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Aircall : RH et politique de rémunération en scale-up
Aircall : RH et politique de rémunération en scale-up

Aircall : RH et politique de rémunération en scale-up

Sommaire

1. L’épargne salariale et retraite, kézako ?
  • L’épargne salariale, comment ça marche ?
  • L’intéressement en bref
  • Intéressement & start-ups/scale-ups, le combo parfait
  • L’intéressement en chiffres
2. Une solution gagnant-gagnant !
  • Des économies pour tous
  • L’épargne salariale, un outil 360°
3. Mise en place de l’intéressement : tuto !
  • 7 choses à savoir sur l’accord d’intéressement
  • Les 3 grandes étapes à suivre
  • Les règles d’or pour un accord réussi
  • Use case #1: start-up de 200 collaborateurs
  • Use case #2 : start-up de 45 collaborateurs
4. 5 conseils pour bien choisir son prestataire
  • Le maître mot : la pédagogie
  • Une épargne qui ressemble à vos salariés !
  • L’importance d’une gamme d’investissement diversifiée • RSE : priorité aux valeurs de vos collaborateurs
  • Frais transparents & compétitifs
5. (Bonus) Soigner les finitions !
  • Les démarches administratives, on s’en occupe !
  • Communiquez, communiquez... et communiquez !
Nous gérons l’épargne de leurs salariés

Avec plus de 20 ans d'expérience dans des fonctions RH chez Fnac, La Redoute, Saint Laurent ou encore Ledger, Sandrine Meunier, qui a rejoint la scale-up française Aircall en 2019, détaille dans L'addition :

  • RH et rémunération : le fonctionnement d'Aircall
  • Grossir vite sans s'éparpiller
  • Communiquer pour entretenir la flamme
  • Questions et réponses
Sandrine Meunier Aircall

Sandrine Meunier

Chief People Officer, Aircall

L’addition, Kézako ? 🙄

Un format d’interview au cours duquel Epsor part à la rencontre des Compensation& Benefits (C&B), des DRH et des DAF parmi les plus influent(e)s dans leur domaine. L’objectif : comprendre la profession de ces derniers, en savoir plus sur leur vision de la rémunération et des avantages sociaux et connaître leurs bonnes pratiques.

À travers ces entretiens, nous nous intéresserons à la façon dont chacun(e) incarne ses fonctions, parce que leur métier ne se limite pas seulement à l’addition RH + Finance… toutes et tous ont un ingrédient secret pour ravir leurs collaborateurs et renforcer la marque employeur de leur entreprise !

👉 Voir le replay du webinar !

Pouvez-vous vous présenter ? Et présenter Aircall ? 

Je suis Sandrine Meunier, Chief People Officer d’Aircall (ou DRH en français). Auparavant je suis passée par des grands groupes, en France et à l’international, dans diverses industries. Il y a cinq ans, j’ai décidé de quitter l’univers des grands groupes pour rejoindre une ETI dans la tech.

Aircall est une scale-up née il y a sept ans et qui distribue un logiciel de téléphonie partout dans le monde. Aircall grossit très vite : j’ai rejoint l’entreprise quand elle comptait 200 collaborateurs dans deux pays. Nous sommes aujourd’hui 800 répartis dans 21 pays et huit bureaux. Nous sommes donc dans de l’« hyperscale ».


Pourquoi avoir quitté de grands groupes pour rejoindre une scale-up, et même une licorne de la tech ?

Au départ mon souhait était avant tout de rejoindre une petite structure. J’ai appris beaucoup au sein des grands groupes, mais il y a cinq ans, j’ai observé que les attentes des salariés avaient changé. Dans les grands groupes, il y a une importante structuration : nécessité de reporting, avec peu d’outils à l’époque. On passait donc beaucoup de temps sur Excel pour réaliser ce reporting ; à l’inverse, on ne passait pas assez de temps à l’écoute du corps social, des salariés, ni à mettre en place de façon collaborative une expérience collaborateur appropriée.

J’ai donc voulu rejoindre une structure plus petite pour retrouver ce lien humain, bâtir une vraie expérience avec les personnes qui composent l’entreprise.

 

Quelles différences avez-vous observées entre les grands groupes et les scale-ups ?

Toute entreprise est différente, les pays aussi, les humains aussi : c’est ce qui est intéressant dans ce métier.

La plus grosse différence est liée au temps : en start-up ou scale-up, l’échelle de temps est délirante ! Par exemple, Aircall double chaque année ses effectifs. On doit donc faire beaucoup de choses en un temps réduit.

La seconde différence est la structuration. Dans les grands groupes, un DRH est accompagné de fonctions supports ou d’experts RH dans les différents métiers. Chaque expert amène sa solution aux problèmes soulevés par le DRH. En start-up ou scale-up, quand l’entreprise est encore assez petite, un RH est plutôt seul, il crée la fonction. Il n’a pas d’experts, mais doit décider les sujets à adresser en priorité.

À ce moment-là, les dirigeants ne pensent pas forcément à la rémunération comme sujet prioritaire. Or, l’enjeu premier d’une start-up est de recruter, de construire des équipes, d’attirer les meilleurs talents alors que l’entreprise n’est pas ou peu connue.

Dans ce contexte, le DRH doit éclairer sur les différents aspects de sa fonction, il doit éduquer les dirigeants : le recrutement n’est qu’une partie du sujet, il faut bâtir petit à petit les leviers d’engagement et de rétention.

 

Comment avez-vous procédé chez Aircall pour faire de la rémunération un sujet prioritaire ?

J’ai eu la chance d’avoir auparavant une première expérience en scale-up chez Ledger. À l’époque on était 100 salariés. Le CEO avait déjà une expérience de scale-up, et à mon arrivée, il m’a tout de suite dit : « la première chose que tu as à faire, c’est recruter un Comp&Ben ». J’étais surprise ! Je me demandais ce que ferait le Comp&Ben alors qu’on était 100.

Le CEO anticipait que l’entreprise grossirait très vite, et qu’il fallait donc dès que possible bâtir les fondations claires et précises d’une politique de rémunération. J’ai suivi son conseil, et effectivement très rapidement, le Comp&Ben que j’avais recruté a été débordé (malgré tout son talent) ! 

Il y avait beaucoup de choses à faire, les problématiques de l’international sont arrivées sur la table, le marché était très compétitif… On avait l’ambition de construire une expérience collaborateur équitable : c’est-à-dire prendre en compte les disparités et les spécificités locales, tout en servant une politique RH et les valeurs de l’entreprise. 

Mon conseil serait donc d’aller chercher cette compétence rapidement. Cela permet également d’utiliser la rémunération comme levier d’engagement : la rémunération engage dès lors qu’on se sent et qu’on se sait justement payé.

Par exemple chez Aircall, tous les salariés sont actionnaires (via des stocks options) : dans l’onboarding, on a prévu pour tout nouvel arrivant 1h d’échange avec le Comp&Ben pour expliquer comment fonctionnent les stocks options.

 

Comment pourrait-on résumer la culture d’entreprise et la politique de rémunération et d’avantages sociaux chez Aircall ?

Ma conviction est qu’une politique de rémunération et d’avantages sociaux doit servir et être 100% en phase avec les valeurs de l’entreprise. Il faut donc s’assurer que les valeurs prônées sont toujours en phase avec ce qu’est l’entreprise et ses enjeux, et pour cela les challenger régulièrement.

Chez Aircall, nous avons comme grandes valeurs : l’entrepreneuriat, le collectif, l’excellence. On veut promouvoir une culture d’évolution basée sur des règles claires d’ancienneté et de performance qui doivent être atteintes.

Dans notre politique de rémunération, on promeut l’équité entre les collaborateurs. On organise une « salary review » par an, au cours de laquelle on vérifie notre positionnement marché dans tous les pays dans lesquels on est présents. On fait une cotation de poste en fonction du marché, sur nos 800 postes. Tous les postes sont donc benchmarkés : ainsi on s’assure que nos collaborateurs sont payés au minimum au tarif du marché. Le cas échéant, on ajuste avec des rattrapages quand c’est nécessaire, par exemple quand le marché évolue selon le pays, le poste…

Pour garantir l’équité, chaque offre faite à un candidat est validée en amont par un Comp&Ben. On vérifie à l’entrée qu’il n’y aura pas de disparité. Pourtant c’est quelque chose de difficile à faire quand on est une start-up, on veut être attractif et attirer les meilleurs talents.

Les règles concernant notre actionnariat, notre plan d’equity sont connus de tous afin de les rendre incitatifs. C’est donc un fort levier d’engagement et de motivation des collaborateurs.

 

Quel est votre rôle sur les sujets de rémunération et d’avantages sociaux ?

Dans le SaaS (software as a service, l’univers des logiciels), on ne fabrique rien de palpable : on n’a pas d’usine, pas de magasins, pas de matières premières… Notre coût principal est donc la masse salariale et nos bureaux. Je gère donc l’investissement de nos investisseurs : c’est une grande responsabilité !

Mon rôle est donc de vérifier que ma politique crée de l’engagement. On fait pour cela une grosse enquête annuelle auprès des salariés sur leur niveau de satisfaction concernant leur rémunération et leurs avantages. 

Un autre pan de mon rôle est d’éduquer les dirigeants, les fondateurs. La rémunération n’est pas uniquement de la data ! Mais tout le monde n’en a pas conscience. Il faut toujours avoir en tête que chacune de nos décisions a des conséquences : sur l’engagement, sur la culture, sur la confiance, sur la productivité.

Il est également fondamental d’éduquer le CFO et de construire une vraie relation de partenariat. Éduquer sur les conséquences des décisions sur la productivité et les résultats et l’efficacité de l’entreprise : voilà également mon rôle.

 

Avez-vous constaté des différences dans les attentes des salariés, entre un grand groupe et une scale-up ?

J’ai quitté les grands groupes il y a cinq ans ; les attentes des salariés évoluent beaucoup pendant ce laps de temps !

Néanmoins j’ai constaté que dans les start-ups et scale-ups, comme on recrute des personnes ambitieuses et engagées, elles veulent évoluer très vite, bien plus que dans les grands groupes. Comme je le disais au début, cette question du temps est très différente. En start-up au bout d’un an, il arrive assez souvent qu’un collaborateur me dise qu’il a fait le tour de son poste, qu’il veut être promu… Parfois de façon disproportionnée ! 

D’autant plus si au début de l’aventure de l’entreprise, avant qu’un Comp&Ben n’arrive, on a « habitué » les talents qu’on voulait retenir à des augmentations de salaire, des évolutions salariales très rapides. À nous de les ré-éduquer sur la réalité de l’évolution professionnelle.

 

Pouvez-vous nous parler de la diversité et de l’inclusion chez Aircall ?

Ça a été un choc pour moi et un apprentissage. Le sujet ne m’avait pas traversé l’esprit dans les vingt premières années de ma carrière. Il a été mis sur la table chez Aircall très rapidement après que je sois arrivée.

Et en regardant nos chiffres, on s’est rendu compte de différences entre les femmes et les hommes. Aux Etats-Unis, comme c’est autorisé, on a également regardé en fonction de l’ethnie. Et on a eu des surprises, on avait des progrès à faire !

Avec nos salariés, on a donc construit notre statement : quelle entreprise a-t-on envie d’être, en termes de diversité et d’inclusion ? Que peut-on faire ? Et que ne peut-on pas encore faire aujourd’hui (pour des raisons de moyens) ?

Aujourd’hui chez Aircall, on a 50% de femmes au sein de nos VP. Donc les sujets avancent ! Et je pense que ce n’est pas un sujet réservé aux start-ups, c’est un sujet sociétal qui s’applique aussi aux grands groupes.

Quand on est un groupe international, le développement et la communication de ces sujets doivent être déployés de manière très locale, car c’est très sensible et cela peut même être blessant. Chacun a sa propre histoire par rapport à la diversité, donc la communication doit être très locale et bien définie.

 

Selon vous, que pourrait-il manquer aux start-ups par rapport aux grands groupes ? Que pourrait-on leur emprunter ?

Ce qui est unique dans un grand groupe est la solidité de la palette de services proposés aux collaborateurs pour leurs évolutions (de carrière, de salaire…). L’évolution est très organisée dans les grands groupes, mais peut-être pas suffisamment agile par rapport à la fréquence des évolutions de marché, des évolutions économiques, par rapport aussi aux attentes des salariés.

Aujourd’hui, les collaborateurs beaucoup plus libres qu’il ya vingt ans. C’est aussi un effet du Covid-19 : on n’a plus envie de passer sa vie à la gagner, on veut la passer à la vivre. Et je pense que les grands groupes ont oublié cela. Ils proposent des parcours incroyables (travailler dans des pays différents, des entités et des industries différentes au sein d’un même groupe, des mobilités très intéressantes), mais ne le font pas suffisamment savoir. Donc aujourd’hui, je rencontre fréquemment des candidats venant de ces grands groupes qui me disent « je m’ennuie dans mon travail, je n’ai pas la place d’exprimer les changements auxquels je crois, je ne suis pas écouté ».

En scale-up, on a cette différence fondamentale que l’on doit cultiver : l’écoute. C’est la fondation du lien humain. On écoute pour comprendre, pour changer, et pour répondre.

 

Dans un contexte fortement concurrentiel des talents en start-ups et scale-ups, quelle est votre conviction sur les niveaux de salaires proposés par le marché ?

Effectivement, nous sommes dans un marché où on veut tous les mêmes talents ! En 2021 et début 2022, beaucoup de scale-ups ont levé des fonds, et ont pu embaucher à tours de bras. On a donc vu les salaires atteindre des niveaux délirants ! Les candidats étaient eux-mêmes dans plusieurs parcours de recrutement et faisaient monter les enchères.

Il y a deux ou trois ans, quand Aircall était en pleine croissance, notre urgence était de recruter « quoi qu’il en coute ». Quand on avait un super candidat, même s’il était en dehors de toutes les grilles et les niveaux de rémunération, on était tenté de le prendre malgré tout. Je n’étais pas forcément d’accord car j’anticipais que ça amènerait des problèmes, on aurait des inégalités de traitement si le salaire à l’entrée était si différent.

Puis le marché s’est retourné, on est revenu à une croissance plus raisonnée. Aujourd’hui chez Aircall, on a fait le choix de ne pas rentrer dans cette course aux salaires. Parfois il faut savoir perdre des candidats, perdre du temps pour rester dans des niveaux de salaires qui soient cohérents.

On se permet de faire cela car on benchmark nos salaires avec le marché de la tech, or ce marché n’est pas composé que de scale-ups. Quand on a un candidat génial mais qui est complètement hors marché, on lui dit non. Évidemment, cette position est plus facile à assumer maintenant qu’on est 800, plutôt qu’à l’époque où on était 120 et que ce poste était« critique ».

 

Que pensez-vous de la transparence des salaires ?

Je ne crois pas que cela amène quelque chose. Je pense qu’on ne peut partager que ce que l’on peut comprendre.

Afficher la data brute des salaires peut être choquante quand on ne sait pas ce qu’il y a derrière un métier. On donne à voir des choses que les salariés ne comprennent pas, car ils n’ont pas toute l’information pour en avoir une analyse correcte.

Chez Aircall, on partage les niveaux de salaires d’un métier. Cela permet à un collaborateur de savoir, quand il prendra en séniorité, ce qu’il gagnera.

 

Comp&Ben = RH + Finance + … Quel est votre ingrédient secret ?

L’engagement. Le conseil que je pourrais donner est de se demander, pour chaque décision qu’on prend : cette décision est-elle au service de l’engagement des salariés, leur productivité et leur épanouissement au travail ? Je pense qu’on a alors là un cap intéressant pour le développement de l’entreprise et de ses collaborateurs.

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